
Dimanche matin. Tout est calme. Mon amie-hôtesse dort encore et les deux chattes aussi.
Je regarde dehors. Au-dessus des toits des maisons que je vois à travers la fenêtre, la peuf, un brouillard épais qu’on connaît bien dans cette région de Suisse, Neuchâtel. Quand il fait beau, on voit le lac et jusqu’aux Alpes de l’autre côté (photo ci-haut). Quand la peuf est là, c’est tout juste si on voit à dix mètres :

J’ai grandi à Neuchâtel de 2 à 18 ans. Nous passions nos étés au soleil du Val-de-Ruz, au milieu des champs et des fermes, à 750 mètres d’altitude, et le reste de l’année en bas, en ville, à 430 mètres d’altitude. Il faisait beau «en haut» quand la peuf sévissait en bas, en ville où on habitait.
Hier, je suis allée luncher avec mon neveu au Val-de-Ruz où il habite. J’ai traversé la peuf en sillonnant les routes de montagnes jusque chez lui. A peine vingt minutes de route pour arriver au soleil et à des vues magnifiques de la vallée encore verte. L’hiver, elle se recouvre d’un beau manteau de neige alors que Neuchâtel est gris, sous la peuf, et il y pleut souvent. C’est ce que j’ai connu toute ma jeunesse.
A peine 300 mètres d’altitude de dénivelé et une grande différence de météo :

Durant le co-vide, je me suis retrouvée à passer trois mois chez ma soeur qui vit au Val-de-Ruz. C’est là que j’ai réalisé le beau temps qu’ils ont en hiver versus la peuf et la grisaille hivernale en ville. J’ai aussi appris que, à la Chaux-de-Fonds, un peu plus haut, il fait aussi froid et aussi longtemps qu’au Québec !
Je ne savais pas. Avec les parents, on ne montait quasi jamais dans les hauts en hiver et, quand on y allait, c’était pour aller faire du ski ou au restaurant. Enfant et ado, ma vie se passait dans la grisaille et on ne me montrait rien d’autre. Je suis allée à des camps de ski dans les Alpes, cependant, et j’ai adoré le soleil sur la neige.
Une fois arrivée à Genève, idem durant cinq ans d’université. La grisaille et très peu de soleil. Ma vie était encore dans la grisaille. Je restais dans mon cocon. C’est ce que j’avais appris à faire.
Le soleil au Québec
A Neuchâtel et Genève, on a une durée de soleil annuelle moyenne de quatre à cinq heures par jour alors que, à Montréal, on a une moyenne de sept heures par jour. C’est une sacrée différence pour le moral !
Quel bonheur ce fut d’aller vivre à Montréal en 1986, d’avoir mon premier vrai appartement et du soleil quasi tous les jours de l’année ! Ce fut une renaissance pour moi et j’étais, et suis toujours, tellement remplie de gratitude chaque jour de vivre avec ce beau soleil presque toute l’année.
J’ai alors vraiment eu l’impression que je démarrais une nouvelle vie et qu’elle serait nettement plus agréable, ce qui ne fut pas toujours le cas car on a beau aller à l’autre bout du monde, on emmène nos problèmes avec nous. L’endroit peut être plus bénéfique, cependant, pour les régler. C’est au Québec que je me suis trouvée et ai réglé mon passé pour trouver la paix dans mon coeur.
C’est en ouvrant les stores de mon premier appartement à Montréal, au Québec, le 1er novembre 1986, que j’ai découvert l’hiver, le vrai, le beau. La neige recouvrait tout comme un manteau de douceur qui amortit tous les bruits. Le ciel était d’un bleu clair profond et sans nuage. Le soleil illuminait la journée. J’ai tout de suite aimé l’hiver au Québec où, même en ville, on a l’impression d’être dans les Alpes.
En me promenant hier sur les routes entre Neuchâtel et le Val-de-Ruz, en parcourant des régions du canton que je ne connaissais pas car j’avais demandé à mon GPS de passer par les petites routes, je me suis rendue compte à quel point j’avais vécu en vase clos à Neuchâtel avec mes parents puis à Genève.
Un espace de sécurité
A Neuchâtel, ma chambre était mon univers. Ma vie. Ma sécurité. Aller plus loin était, inconsciemment, probablement signe d’inconnu et de danger. Le beau-père insultait et tapait ma mère. Deux gamins voisins me prenaient pour un bouc-émissaire à chaque aller et retour de l’école primaire.
Ma chambre était mon refuge chez mes parents puis mon petit studio sans soleil à Genève durant mes études. C’était juste normal. C’est ce que j’avais toujours connu. C’est aussi là que j’ai appris à aimer la solitude, depuis toute jeune.
Je m’étais inconsciemment limitée à cet univers que je m’étais créé et qui me rassurait. Encore aujourd’hui, j’aime être chez moi, dans mon univers, mon cocon.
Je n’ai jamais vraiment tenté de découvrir des ailleurs alentour en Suisse alors que, dans mes voyages, je me balade allégrement dans des inconnus bien plus différents et éventuellement plus dangereux. La Suisse représentait probablement la vie difficile que j’y ai vécue et le monde m’a toujours plus attirée.
Mes parents ne m’ont pas montré à m’intéresser à ce qu’il y a autour de nous, dans la région, alors qu’il y a plein de choses à voir et à découvrir. Le dimanche, on allait chez les grands-parents. On n’allait pas se balader en montagne, au bord du lac, faire du sport ou autres activités pour enfants…
Ma mère m’a toujours parlé de voyages, de lointain, d’aventures, souvent avec nostalgie car elle avait beaucoup voyagé avec mon père. Très curieuse, j’ai suivi ses traces à travers le monde depuis toute jeune alors que mes amis découvrent des endroits magnifiques autour de chez eux, dans la région, dans le canton, dans la province, dans le pays.
C’est grâce à eux que je découvre le pays où je vis.
C’est grâce à moi qu’ils découvrent le monde 😉
De tout coeur,
Dominique Jeanneret
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