Raisons et façons de voyager

Bouddha au stupa (dagoba) Mirisewetiya à Anuradhapura

On voyage pour différentes raisons, de différentes façons. Parfois rapidement, parfois longtemps au même endroit. On ne sait pas toujours pourquoi on voyage mais on sait qu'on va y trouver quelque chose.

Pour ma part, j'aime à voyager seule ou avec une autre personne qui partage ma façon de voyager, qui est assez différente de la plupart des voyageurs. C'est en voyageant que je m'en rends compte, encore une fois, comme il y a 33 ans quand je suis venue pour la première fois passer trois mois au Sri Lanka puis en Inde. Comme à chaque fois que je voyage, peu importe où mais spécialement dans les pays différents de notre occident.

Sans me poser de questions, instinctivement, j'ai toujours évité les touristes, sauf ceux, éventuellement, avec un sac à dos, et encore. Le peu de contacts que j'ai eus avec certains n'ont pas été agréables. En 1982, un français un peu saoûl et perdu à New Dehli à même failli me violer alors que, en trois mois de voyage alors, je n'ai eu aucun souci avec les gens du pays.

Créer le contact

Quand je voyage, j'aime à m'intégrer au pays, apprendre comment les gens vivent et pensent. Cela ne se fait pas le premier jour, cela va de soi. On doit prendre le temps de rencontrer les bonnes personnes qui vont nous faire rencontrer d'autres bonnes personnes. Amara, par exemple, un chauffeur de tuktuk jaune à Anuradhapura, m'a fait rencontrer une nonne qui m'a accueillie pendant quelques jours dans son temple. C'est là que j'ai rencontré deux amies qui vivent à Colombo qui m'ont invitée à aller passer quelques jours chez elles.

A Heenatiya où je suis depuis le début de ce voyage, le 21 novembre dernier, Chamara, le tenancier de l'hôtel où nous étions, m'a fait rencontrer Kusala Thero, le moine du temple où je vais méditer et participer à des activités. C'est lui qui, au bout de quelques temps d'échanges, m'a offert de vivre dans une famille de ses amis au village.

Quand je suis avec mes amis locaux* dans des endroits touristiques, ils pensent éventuellement que je vais parler avec mes pairs blancs. J'ai tenté de créer des contacts avec ceux-ci parfois, juste avec le sourire, comme je fais avec les locaux qui me renvoient alors de magnifiques sourires et, même parfois, byebye de la main. Certains viennent même pour se faire prendre en photo avec moi, me remerciant chaleureusement alors. (photo : A Dambulla, une petite famille qui voulait une photo avec moi. J'en ai été honorée et elles aussi. Chacun sa façon d'interpréter les situations… ;-))

Les touristes, eux, me regardent avec un air interrogateur, lèvent le nez, regardent ailleurs, et restent bêtement stoïques dans leur monde. Aucun contact agréable possible. Quand il se crée, il ne tient pas. Je ne suis pas dans le même monde… que les touristes ! Je vis avec les gens du pays. Je n'y peux rien, j'y suis née (en Afrique) et on dirait que je ne peux pas faire autrement. C'est instinctif.

Vivre différemment

Mon lit dans la chambre que je partage avec l'ado de la famille à Heenatiya, ma table de travail où je vous écris cet article.

Vivre avec les gens du pays dans un petit village du Sri Lanka – ou ailleurs dans le monde – signifie accepter de vivre de façon différente, sans grand confort éventuellement mais avec tellement de richesses à d'autres niveaux.

La gentillesse et la bonté des gens du pays, la nourriture, le soleil, la chaleur, les sourires, accueillir les choses simples de la vie, apprendre à vivre avec peu et trouver des systèmes D parfois pour arriver à ses fins. Comme quand Sunethra, la dame chez qui j'habite à Heenatiya, emploie un fil d'écorce de noix de coco qui traîne à terre pour couper le pittu parce qu'elle n'a pas de couteau, comme un fil à beurre, sur la feuille de bananier.

Ce matin, Sunethra me dit qu'elle va faire un déjeuner rapide. Du pain (de mie, blanc et plein d'air comme le pain américain. C'est le seul qu'ils ont) avec du sambol, un mélange d'oignons, ail et épices, salé. Ils ne mangent pas sucré le matin.

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Sambol, pain et confiture pour le déjeuner

J'aime bien manger salé le matin. C'est énergisant et ne fatigue pas, contrairement aux aliments sucrés. Cependant, ce matin, j'ai eu une envie : même si je n'en mange pas souvent non plus à la maison, après un mois sans confiture, j'ai craqué et suis allée m'en acheter au dépanneur du coin. Pour beaucoup de choses, les srilankais sont entre 30 et 50 ans en arrière de nous. La confiture est faite de fruits en jus, de pectine et quelques additifs chimiques et ne goûte pas grand-chose. Je peux rêver de ma confiture sans sucre et pleine de fruits goûteux !

Déplacer les problèmes

Quand on part en voyage plus que pour juste quelques jours de dépaysement, nos soucis et nos problèmes viennent avec nous, évidemment. Plus on cherche à les fuir, plus ils nous sautent au visage, peu importe où on est dans le monde. Même si on change d'hémisphère et qu'on va là où l'eau tourne à l'envers de chez nous, nos problèmes continuent à tourner en nous quand même ;-).

La distance de nos racines physiques permet cependant de mettre une distance envers ces questionnements et de les appréhender avec plus de discernement et conscience. Le recul aide à les voir sous un angle différent et avec plus de paix. Ils tournent éventuellement dans un autre sens, celui qu'on n'avait pas vu avant et qui va nous aider à les solutionner.

Le partage de vie avec les gens du pays, l'observation de leur mode de pensée et de fonctionnement permet aussi de voir nos soucis et questions existentielles prendre une autre importance, souvent moindre, au profit de l'appréciation de la vie qui nous est alors offerte.

Le monde bouddhiste

Sans aucune attente, j'ai atterri dans un monde bouddhiste au Sri Lanka. C'est la philosophie-religion qui prône dans ce pays depuis plus de deux millénaires et qui me rejoint le plus, en Asie, en termes de spiritualité. C'est dans cette philosophie que j'ai trouvé, alors que j'avais vingt ans, réponses et confirmations à des croyances profondes que j'avais, comme le fait que nous sommes à 100 % responsables de ce que nous nous faisons vivre et que nous nous devons de vivre dans le plus grand respect les uns des autres.

C'est donc simplement et naturellement que je me suis intégrée à la communauté du temple du moine Kusala Thero à Heenatiya. Même si je ne comprends absolument pas la langue, je m'imprègne des sons durant les prières qui sont mes méditations.

Dans le bouddhisme, l'idée de karma existe et chaque personne fait donc de son mieux pour se créer un bon futur karma. Respect, bienveillance, bonté et générosité sont donc de profondes vertus de vie qui sont appliquées par tous les bouddhistes. Ce sont aussi ces qualités qui sont enseignées dans les Dhamma Schools de tout le pays, l'école du dimanche bouddhiste pour les jeunes de 4 à 18 ans.

La mentalité des bouddhistes fait en sorte qu'il est aisé de voyager dans ce pays et, surtout, de s'y sentir en sécurité. Dans les trains et le bus, il n'est pas rare de voir des femmes laisser leur sac à main sur une tablette ou sur quelqu'un pendant qu'elles sont debout au milieu de la foule.

Cette façon de vivre dans le respect et la bonté est paisible et agréable.

Le retour

A gauche des trois, Baddiya Thero, le moine prieur au Puja du 31 décembre dernier à Anuradhapura

«Ça va être dur de rentrer» me suis-je surprise à ressentir et penser alors que j'écoutais les chants de Baddiya Thero, le moine prieur au Puja du 31 décembre dernier à Anuradhapura (où j'ai passé une semaine, dont quatre jours dans un temple avec une nonne). Je me suis souvenue alors que, lorsque je suis rentrée d'Inde après trois mois de voyage en 1982, cela m'a pris six mois avant d'atterrir et de «revenir» vraiment chez moi. Est-ce que ce retour fin février, via la Suisse et la France pendant un mois avant de rentrer au Québec le 30 mars, va-t-il être aussi difficile ?

Et puis, de retour à Heenatiya avant-hier après une journée de voyagement en train et bus, je me suis surprise à avoir envie de rentrer à la maison, hier matin. La maison qui m'attend chez mon amie à Montréal.

Ce serait facile de changer mon billet de retour et de rentrer mais ce serait fuir ce que j'ai encore à vivre ici. Je ne sais pas quoi mais je sais que ce sont beaucoup de moments magiques et de cadeaux m'attendent ici avant de repartir…

Avec amour, je vous envoie une brise chaude et enveloppante du Sri Lanka !

Do

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* on appelle «locaux» (locals en anglais) les habitants du pays

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