L’accident
J’ouvre les yeux, je suis couchée dans un lit d’hôpital. Au-dessus de moi, maman qui retient de peine ses larmes. Je ne comprends rien. En essayant de bouger, je réalise que mes bras sont tenus sur des planchettes et que ma tête doit être grosse comme une citrouille mais je n’ai pas mal. Je me demande ce que je fais là, j’essaye de parler pour le demander à maman… Aucun son, une sonde pulmonaire obstrue ma trachée, incapable de parler.
Maman me demande si je me souviens de quelque chose, à la vue de mes yeux en forme de point d’interrogation. Je lui fais signe que non. Elle m’explique alors que j’ai eu un accident, qu’un automobiliste m’a frappée alors que j’étais sur mon vélomoteur. J’avais 14 ans.
J’avais eu mon accident 24 heures plus tôt. Rien vu, rien senti, rien entendu. Je me retrouve aux soins intensifs, la mâchoire en mille morceaux, des côtes cassées, un tibia fracturé et de multiples contusions. La reconstruction de mon visage prendra 6 ans et ne laissera que deux cicatrices visibles.
Le voyage
Pendant ces 24 heures, j’ai vécu un tout autre voyage que celui que toutes les personnes qui se sont affairées autour de moi n’auraient pu imaginer…
Au milieu de la route à quatre pistes, sur la ligne blanche, prête à m’engager sur la voie de droite pour aller là où je me rendais, j’ai entendu une Coccinelle passer derrière moi, mais pas d’autre voiture… puis plus rien.
Le néant, le noir.. un tunnel noir… avec une lumière au bout. Je flotte, je suis bien. Comme un oiseau qui vogue au gré du vent, sans effort, dans le lâcher-prise le plus total, je coule dans le tunnel à la rencontre de la lumière. J’entends des voix terriennes qui m’appellent mais aucune ne me touche, je continue à voler, je ne pèse rien. L’espace de calme et de sérénité dans lequel je me trouve est incomparable à tout autre moment de ma vie et je n’ai aucun intérêt à revenir à l’entrée du tunnel. La lumière approche….
Puis la lumière…
Je sens que je sors du tunnel et que j’arrive dans un espace infini et intemporel uniquement rempli de lumière qui, aux yeux d’un humain, lui aurait tout de suite fait fermer les yeux tellement elle est indescriptiblement forte… mais douce et sereine. À ce moment-là, je sens que je me détache de mon corps. Je vais bientôt n’être plus qu’une âme.
L’espace que je viens de toucher est celui d’un Amour inconditionnel, infini et intemporel. Un Amour indescriptible de calme et de paix, de sérénité. Je n’y sens aucune peur, aucun sentiment négatif… juste de l’Amour. Mais même ce mot est trop limité pour décrire ce sentiment si grand que je ressens dans cette lumière. À ce moment précis, j’entends la voix de maman qui m’appelle….
Je suis revenue
Le temps de réaliser qui m’appelle, de décider et la lumière s’est éteinte pour me retrouver dans le noir… puis la salle des soins intensifs… Je reviens, « consciemment », je décide de revenir pour maman. Je « savais », là-haut, que m’en aller aurait été pour elle la plus grande épreuve de sa vie…
Je ne saisirai le message d’Amour que j’avais reçu là-haut que bien des années plus tard.
Je n’étais plus la même. Je ne serais plus jamais la même.
Un livre
J’aime lire et je ne peux faire autre chose à l’hôpital. Dès mon arrivée dans ma nouvelle chambre, maman m’apporte le catalogue des derniers livres sortis. Je le feuillette et lui montre du premier coup un livre : La vie après la vie du Dr Raymond Moody. Nous sommes en 1976, le livre en français vient de sortir. Elle me l’amène le lendemain.
Le hasard, pour moi, n’existe pas. Ce livre, à la vue de la couverture dans le catalogue, m’a attirée sans savoir pourquoi. De famille protestante simple et puritaine, pas ouverte à la spiritualité ou à l’ésotérisme (quoique maman n’y est pas fermée, je l’apprendrai plus tard), je n’ai aucune notion d’autre chose que de respecter et d’essayer de faire le bien à mon prochain.
Mais je comprends, à la lecture de ce livre, ce que je venais de vivre… La vie après la mort, « expérience de mort clinique » EMI ou NDE (near death experience).
Ce ne sera cependant que bien des années plus tard que je pourrai en parler avec des gens qui savent de quoi je parle sans me prendre pour une extra-terrestre ou une « déglinguée »….
Le soleil
Revenue à la maison deux semaines après mon accident, je passe six mois de convalescence à la maison, entrecoupés d’autres opérations chrurgicales. Six mois extraordinaires où, contrairement à ce qu’on aurait pu croire, je ne suis qu’un soleil, optimiste, souriante. L’ambiance familiale, habituellement aux engueulades et à la violence, est calme…
Je remonte le moral des troupes, naturellement et sans effort, je fais rire avec mes blagues et ma bonne humeur. Il faut dire que, pour changer du train-train quotidien, je suis au coeur des préoccupations de tout le monde alors qu’avant, je n’étais qu’une enfant puis une adolescente solitaire qui vivait seule dans sa chambre, loin des mots méchants qui pouvaient se dire dans la famille.
J’avais une énergie incroyable, je veux aller de l’avant, continuer, guérir, me battre…
Je ne sais pas encore de quoi j’avais été « atteinte »… !
Le retour aux études
Après ces six mois de convalescence, je retourne à l’école, dans un nouvel établissement, avec de nouveaux camarades. De fille solitaire et retirée, je me retrouve le centre d’intérêt d’un millier d’élèves du secondaire.
Tout le monde faisait attention à moi tout en se tenant loin de moi… sauf les élèves qui trouvaient un intérêt au fait que j’étais bonne à l’école et que je les aidais dans leurs difficultés scolaires.
Bizarrement, les plus terribles me respectent, on aurait dit que j’inspire le respect, que je leur apporte quelque chose… un mystère… Je sens de l’admiration et des questions mais peu osent m’en poser.
Le lycée (= Cégep)
Arrivée au lycée, je joue encore un rôle inconscient de psychologue de classe… Ce rôle se jouait tout seul, je donnais sans compter… J’étais toujours présente quand quelqu’un avait besoin de moi. J’étais une bonne oreille et de bon conseil, me disait-on.
Pendant cette période, je travaille durant toutes mes vacances scolaires à titre d’aide-infirmière dans un asile psychiatrique, en gérontologie ou avec des cas difficiles comme des dépressifs, des schizophrènes ou des drogués en cure de désintoxication… Ces passages dans le domaine psychiatrique et gérontologique m’apportent beaucoup, j’apprends énormément sur moi et mon développement personnel avance à grand pas, à l’aide aussi de nombreuses lectures en rapport.
Donner est, entre autres, quelque chose qui s’est développé énormément après mon accident. J’ai reçu aussi plusieurs dons, non encore beaucoup développés mais qui fonctionnent lorsque je les emploie (guérison par les mains, médiumnité légère, créativité et autres).
Par ailleurs, le désir est omniprésent de retrouver cet Amour inconditionnel que j’ai rencontré là-haut. Je l’ai trouvé… d’une autre façon et non sans mal, mais il existe sur terre.
Schizophrénie ???
Après mon accident, il m’arrive parfois de vivre des moments de « blancs » où j’ai l’impression de « décoller », que je sors de ma tête, de mon corps, que je ne suis plus sur terre. Je me retiens tant bien que mal pour ne pas me laisser partir complètement car je sais que je n’en reviendrai peut-être pas cette fois.
La pression de ce que je vis dans ma famille est redevenue insupportable et je découvre, en travaillant en psychiatrie et en lisant des ouvrages sur les psychoses, que je « décolle » parfois pour « fuir » éventuellement cette insupportable situation de laquelle j’essaie de me sortir.
Un des livres qui me touche à cette époque est un livre de Ronald Laing, « anti-psychiatre » avant-gardiste anglais, qui a travaillé, notamment, à la réinsertion des schizophrènes et psychotiques dans la société par d’autres méthodes que la psychiatrie pure (notamment avec de l’Amour….!). Il a cherché le pourquoi du comment les gens « décollent » dans un autre monde… et quel était ce monde.
Des explications, des hypothèses
J’apprends, bien des années plus tard et après bien des thérapies et formations personnelles dans divers domaines de thérapies alternatives, que je ne suis probablement pas revenue « dans mon corps » complètement lors du retour de ma NDE.
Énergétiquement parlant, cela signifie que mon corps physique n’est probablement pas rentré totalement dans mon corps énergétique, ce qui cause bien des débalancements dans mon corps physique (petites maladies chroniques) et émotionnel (dépression). Mais cela prendra bien des années avant que je ne le découvre.
Dépression
En 1979, ma grand-mère maternelle meurt. Les quelque semaines avant son départ, je relaie ma mère à son chevet à l’hôpital pour sa toilette et ses repas. Je la vois un soir et, le lendemain, j’apprends qu’elle était partie. À son enterrement, je ne pleure pas. Je sais où elle est et je suis en esprit avec elle.
Dix-huit mois après le décès de ma grand-mère, mon père meurt. Là encore, je ne pleure pas mais c’est après cet événement que le « monde » que je m’étais forgé, pour survivre à travers les tempêtes et l’amour familial non exprimé, s’écroula… J’entre alors dans une dépression qui durera jusqu’à l’âge de 53 ans, avec des hauts et des bas. J’avais 18 ans.
Il s’est avéré, 10 ans plus tard, que mon corps énergétique n’était pas complètement revenu dans mon corps physique, créant notamment ma fatigue chronique et cette dépression.
C’est en travaillant avec des gens merveilleux et ouverts, avec divers types de thérapies, 10-12 ans plus tard, grâce que je découvre la raison de ma «revenue» sur terre et apprends le sens réel de ce que veut dire Aimer…
Dominique Jeanneret
www.dominiquejeanneret.net
NOTE : Ce récit est le mien et personne n’est autorisé à le reproduire de quelque façon que ce soit sans mon autorisation. Merci.